L’absence d’un environnement favorable et l’impréparation des nouveaux entrepreneurs dans leur métier de chefs d’entreprise sont à l’origine de la disparition précoce des petites entreprises naissantes.
Le taux élevé de mortalité des petites entreprises, dans les premières années de leur création, est connu. Cette mortalité « infantile » n’est pas propre au Sénégal. Les pays développés connaissent la même situation. Aux États – Unis, par exemple, 80% des Pme qui se créent là-bas, disparaissent dans les cinq ans. Le taux de mortalité est d’environ 50% dans l’Union européenne.
Au Sénégal, cela s’explique d’une part, par un environnement défavorable. Les petites entreprises ont du mal à accéder au crédit. Elles font ainsi face à un environnement financier mais aussi juridique, administratif, fiscal et commercial qui ne serait pas incitatif pour permettre leur développement et leur croissance. Nos villes sont dépourvues de « zones d’activités ». Les terres existantes sont mises à la disposition de promoteurs qui construisent des immeubles à usage d’habitation. Ainsi les jeunes et les femmes entrepreneurs qui exercent notamment dans le domaine de la transformation et la production, ont du mal à trouver des locaux adéquats. Les maisons ne sont pas faites pour accueillir de telles unités de production et pis les loyers sont chers et les pas-de-porte hors de portée. Les artisans menuisiers squattent les garages ou magasins des maisons, les mécaniciens ne savent plus où donner de la tête. Avec l’absence de « zones d’activités dédiées », ce sont les rues qui accueillent les petites entreprises avec ce que cela comporte comme nuisances et désagréments, comme c’est le cas à Dakar.
Cela s’explique, d’autre part, par le fait que les nouveaux entrepreneurs, notamment jeunes, ne sont pas préparés à leur métier tout entier. Dévolus à la gestion quotidienne de leurs entreprises, ils consacrent en général peu, voire pas de temps à la recherche d’informations et se trouvent confrontés à un véritable isolement qui est une des principales causes d’échec dans le monde de l’entreprise. Ils prennent souvent leurs décisions à partir de données quantitatives parfois insuffisantes. Ils ont tendance à ne pas se doter de systèmes d’information de gestion. Des dirigeants de petites entreprises ne savent même pas calculer leurs prix de revient et travaillent à perte sans le savoir. Leurs entreprises vivent financièrement au jour le jour. Certains dirigeants ne sont pas capables de comprendre et d’interpréter, au mieux de leurs intérêts, la législation applicable aux entreprises
La petite entreprise est donc une structure fragile qui ne dispose que des ressources limitées pour résoudre ses problèmes, si bien que des obstacles mineurs la font disparaître.
Que faut -il faire pour solutionner ces problèmes ?
Tous les acteurs ont leur partition à jouer. L’État doit créer les conditions devant permettre à la petite entreprise de naître, de vivre et de se développer. Des efforts ont certes été faits. En effet, la Délégation Générale à l’Entrepreneuriat Rapide (DER) a été créée, la loi sur les Start – UP est entrée en vigueur, des mesures fiscales ont été prises en faveur de celles – ci… Mais il reste encore beaucoup à faire, notamment, l’aménagement de zones d’activités dédiées, pour résoudre le déficit d’infrastructures pour les petites entreprises, éviter ainsi leurs déguerpissements sans fin et stabiliser leur fonctionnement.
Les collectivités territoriales ont leur part de responsabilité. Pendant longtemps, elles se sont cantonnées à des missions traditionnelles (construction ou réhabilitation de marchés, de gares routières, gestion de l’état civil…). Elles doivent changer de cap et s’engager vers la promotion du développement des petites entreprises dans leurs localités. Le cadre juridique existe. Le code des collectivités territoriales dispose que « Les collectivités territoriales ont pour mission la conception, la programmation et la mise en œuvre des actions de développement économique, social et environnemental d’intérêt local ». Le monde a changé, il nous faut des collectivités territoriales de développement. L’exemple de la commune de Sandiara (département de Mbour, région de Thiès) qui a créé une zone économique spéciale de 100 HA et où les entreprises industrielles se bousculent déjà est à saluer.
Les collectivités territoriales doivent créer en leur sein, si cela n’existe pas, des services du développement économique qui prendront en charge ces aspects. Elles doivent créer des « zones d’activité », des pépinières d’entreprises, des centres d’incubation. Elles peuvent aussi initier des plateformes d’initiatives locales, pour apporter leurs appuis aux petites entreprises locales, en termes de services non financiers et financiers. A ce propos, l’exemple de la ville de Dakar est à souligner. Un partenariat entre cette Ville, la Ville de Marseille et l’Association Internationale des Maires Francophones a permis de créer la Couveuse d’Entreprise pour la Promotion de l’Emploi par la Micro – entreprise (CEPEM), qui connaît un succès éclatant. Les communes rurales devraient initier des projets incubateurs dans le domaine de l’agriculture, avec l’appui de l’État ou de Programmes comme le PACASEN (Programme d’Appui aux Communes et Agglomérations du Sénégal). Il s’agira d’initier des Projets qui consistent à aménager des hectares de terres, avec des forages, des magasins de stockage, des matériels lourds de culture…qui seront loués, par parcelles, à tous promoteurs (autochtones ou résidents d’autres localités du pays) et qui permettraient la naissance de véritables PME agricoles et la disponibilité de ressources additionnelles pour les communes concernées, résultant des « loyers » et des honoraires des prestations (pour l’utilisation du matériel lourd) à payer par les exploitants. Cela éviterait de brader des centaines d’hectares de terre à une seule personne (nationale ou étrangère), créant des conflits avec les populations
Dans un environnement incertain, les dirigeants des petites entreprises doivent aussi rompre leur isolement et solliciter l’accompagnement, pour préserver leur capacité à décider eux-mêmes. Certains d’entre eux éprouvent des difficultés à identifier l’origine des problèmes qu’ils rencontrent, ayant tendance à s’arrêter aux seules apparences. D’où la nécessité de bénéficier d’un regard extérieur et de compétence qui les aident à les repérer et à les solutionner. Dans la gestion quotidienne de leurs activités, ils risquent de manquer de recul.
ALO